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La psychanalyse ... dans le monde psy : interview

 

Pouvez-vous même si c'est un peu réducteur expliquer les différences (et similitudes) entre les principales psychothérapies ?

Répondre à cette question de façon directe est impossible. Le psy est sur le marché de la même façon que le sont par exemple nos “boites à regards” (mobiles, tablettes, pc…) ou nos comprimés. La pulvérulence avec laquelle le monde psy “décline” - dans les deux sens du terme - son offre ne laisse aucune place à une réponse univoque.

Pour répondre sur un mode naïf, nous aurions deux grandes modalités de soins : l’une qui tient l’organisme comme le lieu principal de l’action à mener sur un plan thérapeuthique - la réponse est alors la recherche d’une modification sensible grâce à l’offre pharmaceutique, couplée ou non à la suggestion :  

La psychiatrie 

D’une part, nous avons aussi bien le médecin et/ou le psychiatre pouvant disposer de certaines molécules visant à “réguler” les troubles diagnostiqués selon une classification de type QCM (dont le DSM, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, en anglais Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) qui s’aligne de plus en plus sur la recherche mais aussi sur  les lobbies pharmaceutiques. La relation humaine médecin-malade tendant de plus en plus à disparaître ; la gamme des molécules sur le marché est de nature à nous faire croire que la trousse à pharmacie est complète, alors qu’il n’existe en réalité que très peu de variantes d’un même composé : antidépresseur, anxiolytiques, régulateurs d’humeurs, antipsychotique…

 Les "psychothérapeuthes"

D’autre part, couplé ou non avec la perspective médicale, l’action suggestive du thérapeuthe tente de plus en plus de répondre au malaise généralisé en s’adossant à la neurologie d’où est issue elle-même la psychiatrie. En forçant un peu les choses, l’antidépresseur, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui comme réponse, c‘est la thérapie coupe-circuit (sans parole).

Foisonnent là un nombre de plus en plus grand de thérapies fondées en grande partie sur l’idée que le sujet pourra se débarrasser d’un traumatisme en quelques séances hypnotiques avec l’appui de méthodes qui auraient pour réponse, une régulation ou une réparation du traumatisme. L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing c'est-à-dire désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires) et l’hypnose en sont  un exemple. J’ai récemment entendu parler de neuro-training ! Globalement, elle se regroupent plus ou moins dans ce que appelle aujourd'hui les thérapies brèves (les TCC, Thérapies Cognitives et Comportementales). Véritable fer de lance des politiques de santé mentale qui tentent de juguler les effets du malaise civilisationnel sur le versant correctif. Inutile de préciser à quel point l’offre est alléchante car le patient ne se sent alors responsable que de se faire traiter ou pas, qui plus est, “rapidement”.

Les psychologues  

Entre ces deux lignes, nous avons les psychologues, “spécialisés” ou non (psychologue scolaire, psychologue clinicien, psychologue du travail). Ils sont aujourd’hui et selon les écoles ou selon les doctrines qui y prévalent, des praticiens collaborateurs dans l’institution (psychiatrique, Centre Médico Psychologique, écoles... ) S’ils jouissaient d’une certaine liberté d’inspirations diverses, il sont aujourd’hui très souvent contraints de se plier à la mouvance dite scientifique des thérapies cognitivo-comportementales quand ils ne sont pas cantonnés au registre de l’évaluation en vue d’orienter.

Le bien-être 

Autour et entre ces thérapies - et la frontière est parfois très floue - le champ du bien-être donne lui aussi de manière significative une réponse au malaise. Au mal-être répond le bien-être comme si le bien était l'ennemi du mal. Voyez aujourd’hui l’addiction, quelle qu'elle soit : elle participe aussi bien à une tentative de supprimer l’angoisse qu’à provoquer les processus morbides. Mais ce qui est significatif, c’est surtout ceci, que cette profusion du marché du bien-être est un baromètre concernant, peut-être, l’échec de de la réponse psy telle qu’elle se présente aujourd’hui.

La psychanalyse

La psychanalyse fonde son approche sur un traumatisme trans-structural : le langage y est considéré comme parasitant le corps vivant, et donc source d’une première rencontre traumatisante avec la vie. Il est inadéquat à toute vision régulatrice - “la culture” elle-même n’y échappe pas. C’est de cette rencontre d’UN-langage, c’est-à-dire de la langue comme reçue, qui fait effraction dans la vie du sujet, que nous sommes des sujets mal-heureux.

La cure psychanalytique comme psychothérapie se fonde  elle sur le mal-entendu. Ce malentendu y est de structure, et non lié à un savoir prescrit et mal ordonné. Elle vise certes, une réduction du symptôme, mais non son éradication. Le sujet aura chance, peu à peu, d’y reconnaître, ce qu’il y avait de plus singulier à entendre. Même la psychanalyse est dévoyée aujourd’hui en psychanalyse dite active, comme si l’acte analytique se réduisait à écouter passivement le patient !

La question du public étant par extension : qui va-t-on voir entre psychologue, psychiatre et psychanalyste selon ce qu'on recherche ?

En témoigne peut-être, le micro-trottoir réalisé pour le colloque  "Va voir un psy ! ": la réponse est des plus variée. Néanmoins, nous y avons repéré un signifiant qui insiste : quelque soit la psychothérapie, le sujet veut des “outils”. Cela montre peut-être à quel point l’individu tend peu à peu à s’identifier aux objets du discours ambiant en souhaitant être réparé, consolidé, augmenté…  Mais cette réponse, déboussolée, n’est peut-être, au fond, que le reflet de la discorde psy. Impossible donc, de répondre unilatéralement. Imagine-t-on l’individu type pour tel type de thérapie ? Le psychosé pour le psychiatre, le “troublé” pour les TCC, le névrosé pour l’analyse ? Soyons sérieux. Les psychothérapies n’ont pas de public spécifique. Disons plutôt que s’il y a les tenants d’une réponse normalisante et normativante d’un côté, l’offre analytique est du côté du sur-mesure, bien loin d’une volonté d’adapter le sujet.

Est-ce que tout le monde doit aller voir un psy ? Même si à priori tout va bien ?

Je ne peux répondre ici que du champ à partir duquel je parle, qui est celui de la psychanalyse. Il va de notre éthique de ne jamais y inciter quiconque. Porter sa plainte est insuffisant. N’oublions pas que le consentement à guérir, qui implique une subjectivation du symptôme par le patient lui-même, est un préalable à toute demande d’analyse. Aucune autre thérapie, encore moins celle issue du médical n’a recours à cette condition et pour cause : le sujet (de l’inconscient !) n’y a pas sa place. Enfin, pour répondre à votre dernière question : “même quand tout va bien … ” :  C’est l’insupportable, à minima l’angoisse, ou un trouble, qui pousse à consulter. Mais le sujet doit parfois attendre le dés-astre pour que s’amorce une demande dans laquelle se dévoile ce qu’une telle formule cachait, d’y impliquer le TOUT.

 

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