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« De l'âge bête - La période de latence »

Paul Denis, Quadrige, Essais/Débats aux PUF, 2011

Note de lecture dans le cadre du prix Œdipe 2012

A qui profite la bêtise ? Petit crime, ou lèse-majesté Intelligence, à l’usage de ceux qui après les années de latence durant lesquelles Œdipe ajourne ses projets, viennent à éprouver cette oppressante, étrange et inquiétante liberté. L’observation est souvent pour le moins patente chez les parents, qui trouvèrent dans la période qui précède, épinglée aussi d’« âge de raison », une configuration idéale, un narcissisme qui mêle tendresse et fierté auprès du tout jeune élève, curieux des choses de ce monde, petit inventeur mobilisant son corps au rythme des comptines, des marelles et autres saute-mouton… faire le bête n’est pas si bête, et le livre de Paul Denis est un véritable petit plaidoyer contre cet entêtement — fâcheusement bête — à identifier le jeune adolescent, dans son comportement, à un bêta — mais tout autant contre cette triste injonction « Ne soit pas bête ! ».

Paul Denis est psychiatre et psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris, auteur d’Emprise et satisfaction, les deux formants de la pulsion, Rives et dérives du contre-transfert, Freud 1905-1920 aux PUF. En quelque 200 pages, l’auteur aborde dans cet essai la question du passage de l’enfant à l’adolescent dans une forme claire, ponctué de nombreux exemples cliniques. Le texte est intelligemment composé en deux parties : une première sur la période de latence vient éclairer dialectiquement la deuxième sur la préadolescence. Les fameux remparts que construit ladite période de latence ne sont en réalité d’aucun repos car rien n’obture, ne suture, la blessure narcissique infligée au petit d’homme en proie aux excitations, voire aux séductions extérieures. Le combat prend la figure de l'attente. L’auteur réinterroge cette période (trop souvent négligée aujourd’hui par les auteurs) à travers une étude à la fois dense, riche en questionnements mais aussi scrupuleuse des observations faites par de nombreux psychanalystes. Ce faisant, Paul Denis tente de nous donner des clés pour apprécier plus justement ce qui se dessine sous les traits de la bêtise de celui qui « se prépare à affronter les orages de l’adolescence ».

« L’Œil absolu »

Gérard Wajcman, Paris, Denoël, 2010

Note de lecture dans le cadre du prix Œdipe 2011

« Il n’y a plus d’intime. On nous regarde. »

Ces mots issus du dernier chapitre du livre passionnant de Gérard Wajcman devraient tout de même filer la chair de poule. En refermant ce livre, je me suis dit : pourquoi ne suis-je pas plus inquiet ? Et bien c’est tout simple : ce livre ne nous prévient de rien. Il ne dit pas : attention voilà la pente. Ce livre nous dit : nous y sommes jusqu’au cou et nous n’avons rien vu.

Nous n’avons rien vu venir parce que nous voyons tout. C’est un des paradoxes et la thèse qui file tout au long de ce livre dont le dessein est de nous montrer – de nous mettre devant - ce qui nous scotomise littéralement. Réponse : le regard … élevé en idéal. Pas de catastrophe annoncée, de prophétie, rien de tel ici. Comme si ce livre renvoyait justement ces effets d’annonces à leur caducité. D’abord, comme je viens de le dire, Gérard Wajcman nous dit en long et en large que nous y sommes. Ensuite, parce que l’angle d’attaque du livre est de poser les termes de cette conséquence massive qu’il n’y a plus d’intime, ce, nous obligeant à réviser nos conceptions, nos élucubrations sur ce qui désenchanterait le monde d’aujourd’hui ou de demain. C’est que nous sommes rivés, aujourd’hui plus que jamais – tout appareillé que nous sommes de technologies, invasives, intrusives – à cette idée que nous sommes encore maître de notre production surtout quand il s’agit du contrôle - contrôle de l’espace et contrôle du temps.

« En cas d'amour »

Anne Dufourmantelle, Manuels Payot, Paris, 2009

Note de lecture dans le cadre du prix Œdipe 2010

Écrire sur ce qui ne cesse pas de s'écrire est peut-être une maladie. L'amour lui même apparaît bien souvent comme une maladie... maladie dont l'humain ne saurait trop se passer. Il est le bon grain et l'ivraie à la fois. Mais alors que faire "en cas d'amour", comme l'énonce une patiente provoquant quelque peu la sidération de sa psychanalyste ?

Bien sûr, Anne Dufourmantelle est avant tout psychanalyste, et, d'une certaine manière, la réponse de l'analyste, c'est la réponse par le transfert, ce qui, il faut l'avouer, est un comble : En cas d'amour, donc , il y a l'amour... encore...

En suivant ces courts récits écrits d'une bien jolie plume, nous suivons "la psychanalyste" face à cette folle demande de guérir de l'amour. Au rendez-vous des amours manqués, nous retrouvons tout le cortège des maux et sentiments qui font la "psychopathologie de la vie amoureuse" — sous-titre un peu malicieux au regard du vrai witz du titre. Il ne s'agit bien entendu pas du catalogue des sentiments et des affects de la vie amoureuse. Loin des habituelles articulations théorico-cliniques accompagnées de leur fulgurantes vignettes, nous sommes là comme embarqués dans... le transfert de la psychanalyste bien sûr, mais aussi et surtout dans ce qui pourrait bien être le récit d'une tentative pour l'auteur de s'en dégager autrement. Par l'écriture.

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