robert.bitoun@gmail.com

Téléphone: 04 99 66 88 80
 

“JE TE DEMANDE DE REFUSER CE QUE JE T’OFFRE PARCE QUE C’EST PAS ÇA”, Lacan, Séminaire ... OU PIRE

 


Le séminaire XIX “... Ou pire”, dont est extrait cette leçon est un moment charnière de l’enseignement de Lacan. La ponctuation des trois points qui précède le titre “Ou pire” pointe par sous-entendu le malentendu de structure. En effet les trois point qui précède “OU PIRE” sont à remplacer par quelque chose en lien avec le : “Il n’y a pas de rapport sexuel … ou pire”
On peut en effet envisager ce séminaire comme un chiasme entre le séminaire précédent “D’un discours qui ne serait pas du semblant” ou apparaît pour la première fois la formule selon laquelle ‘’il ’y a pas de rapport sexuel” et le suivant “Le savoir du psychanalyste” ou la question du savoir est relative à cette autre question que Lacan posera : “L’analyste sait-il ou non ce qu’il fait dans l’acte analytique ?”.
Cette leçon du 9 février 1972 , est cernée en amont comme en aval de la question difficile de l’ Un, tel que le logicien Frege le détermine lorsqu’il cherche à repérer la série des nombres entiers et le “Yadel’Un” de Lacan.
Je rappelle en passant qu’il s’agit pour Lacan d’un repérage de l’Un à partir de la duplicité du zéro (celui, non identique à lui même et le zéro identique à lui-même) Ce qui le conduira à différencier les 3 uns : le Un de l’imaginaire spéculaire, le Un du trait unaire, support de l’idéal du moi mais qui se répète sur fond de différence, et le Un du “Yade L'un” comme trait de l'inexistence. Ce qui d’une certaine manière reprend la question de Freud de la Bejahung première.
Lacan parle dans cette leçon sur fond d’absence puisque le linguiste Jakobson, qui devait ce jour là faire une conférence lui pose un Lapin. Lacan dira, que lui, s’amuse, ne pas fait conference, et ouvre ce séminaire par une écriture en langue chinoise qui est sans doute de son cru. Il met ainsi en scène la béance entre l’écriture et la parole. Il épingle cette phrase, re-traduite en français “Je te demande de... ” du neologisme “la lettre d’amur”, en consonance avec la lettre d’amour. Elle est formée par l’accolement de l’objet a dont l’amour fait demande et du mur de la castration.
Au passage, notons que la lettre d’amour est en effet ce qui faisait l’amour autrefois… Autant dire : pas d’amour sans la lettre. Et ici la lettre, c’est petit a.
Remarquons aussi que “Je te demande de refuser ce que je t’offre, parce que c’est pas ça.“ est une formulation qui reprends, mais cette fois, sous la forme d’un énoncé : “Aimer, c’est donner ce qu’on a pas … à quelqu’un qui n’en veut pas.”
Cette leçon s’ouvre donc sur une phrase écrite en chinois par Lacan au tableau avant qu’il en donne la traduction à son auditoire et se termine avec l’irruption subite et inattendue de la première occurrence du nœud borroméen ! Une image des armoiries de borromée sera présentée à Lacan la veille. Il en témoigne en précisant bien que cette formalisation topologique du réel en jeu dans la structure lui va comme un gant !
On repère donc une sorte de passage entre une approche qui est marquée par la prééminence des mathématiques et de la logique, et une nouvelle forme d’articulation qui ne laissera que peu de prise à la métaphore. Je parle ici du noeud borroméen.
Quel est donc le lien entre ces deux écritures de la même leçon ? Notons que ces références au chinois, si fréquentes jusque-là, disparaissent totalement dans les séminaires ultérieurs. Une hypothèse serait que Lacan trouve avec le nœud borroméen une calligraphie à sa main.
L’énonciation “je te demande de … “, car il s’agit d’une articulation énonciative de par l’usage des pronoms personnels “JE TE” et “TU ME” (qui ne peuvent que convoquer la parole, voire le commandement) est la structure sous-jacente à la demande d’amour qui, d’être, sans objet essentiel, ou adéquat, donne aisément à lire que c’est de l’objet a qu’il s’agit (voire “qu’il s’agite”).
La grammaire, comme nous le savons depuis Freud, fait partie de la signification et commande à la pulsion. Jakobson l’avait affirmé la veille lors de sa conférence au séminaire.
C’est donc d’un noeud de sens formé par ce tripode grammatical que se repère l’objet a dans la structure énonciative comme c’est le cas dans le nœud borroméen. En fait il faudrait parler d’effet de sens à ne pas confondre avec la signification. Mais l’important est nous n’avons plus affaire à des objets a, mais à une sorte de fonction a , que l’on pourrait écrire a(x), où le x décrirait les quatre ou cinq objets de la pulsion.
De ces objets pulsionnels, l’objet a émerge donc dans une équivalence des verbes binaires : je t’emmerde, je te regarde, je te parle, je te bouffe, qui sont tous les quatre grammaticalement équivalents, et c’est au niveau de cette équivalence même que Lacan re-situe l’objet a.
Une hypothèse :
Le pivot de la signification qui se trouvait encore dans le Séminaire X du côté du père dans son unicité(8), se déplace clairement ici du côté de l’objet a élaboré comme unique. J.- A. Miller, dans une présentation des Journées de l’AMP (dont je n’ai pas la date) consacrées à l’objet a, soulignait le moment tournant que représente le Séminaire X, concernant la question du père en relation à l’objet a.
En effet, il y a, à la fin de ce séminaire, une sorte d’hommage rendu au père comme père du désir. Ce père singulier était contemporain d’une élaboration plurielle des objets a. Dans les séminaires suivants, l’objet a tend à se logifier pour devenir l’indicateur d’une pure place topologique, alors qu’à l’inverse le père, au moins le Nom-du-Père, se pluralise en les Noms-du-Père(9).
On assistait dans ce Séminaire X à un autre chiasme entre objet et père.
Ici dans le Séminaire XIX, c’est l’objet a qui est effectivement construit comme ce autour de quoi tourne la signification.
C’est maintenant l’objet qui, d’une certaine façon, capitonne la signification, et non plus le Nom-du-Père. Le petit a dans les derniers séminaires sera au centre du coinçage du nouage borroméen entre le symbolique, l’imaginaire et le réel dans sa forme à plat, sinon il est partout.

Nous sommes donc passé du “dire que non” du Nom du Père au “dire que Noeud” du Noeud borroméen, qui ne sera pas repris immédiatement après ce séminaire mais dans le séminaire Encore. Dans l’après coup.
Pour terminer, je relèverai ce qui, quelques leçons plus loin dans le séminaire “... Ou Pire” répond, me semble t-il, à cette énonciation borroméenne . C’est dans ce même séminaire que vous trouverez cette phrase, qui est un énoncé assertif (repris par Augustin Menard lors de son cours sur la Lettre) : Qu’on dise, reste oublié derrière ce qui se dit, dans ce qui s’entend.
Remarquez une fois plus la triplicité de la formule. Si je vous pose la question “Qu’est ce reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend ?” … Qu’on dise - ca fait bien 3 + 1 qui peut être omis ‘le qu’on dise) comme pour le “c’est pas ça” de la lettre d’amur qui peut être omis aussi.
Cette phrase est bien en résonance avec la découverte du noeud. Si L'énonciation “je te demande … “ est du côté de l’objet a qui serre la signification, l’énoncé modal “Qu’on dise”, le fait qu’il y est un dire nous averti quant au dit acte du psychanalyste : ce qui passe dans toute demande n’a pas seulement à être entendu, mais plutôt à être tendu, mis en tension, comme la corde du noeud, afin de faire vibrer, de faire résonner, conjointement, le pas à lire. Ce qui ne s’entend pas, se tend, je veux dire : s’éprouve, sous transfert, par delà la demande d’amour...

Commentaire (0) Clics: 4693

Blue Train

John (1926-1967) Coltrane — 33t

A propos des choses préférées de Monsieur Coltrane.

En juin 57 John Coltrane, rejoint le Thelonious Monk Quartet. Parallèlement il compose surtout l’un de ses diamants les plus finement ciselés, Blue Train, accompagné de Lee Morgan, Curtis Fuller, Kenny Drew ainsi que les vieilles connaissances Philly Joe Jones et Chambers. Enregistré le 15 septembre 1957 par Rudy Van Gelder, et produit par Alfred Lion, sur le label Blue Note, Blue Train deviendra l'un des albums les plus populaires de John Coltrane - premier album en solo qu'il enregistra avec des musiciens choisit par lui-même.

Si Giant Steps (près de deux ans après Blue Train) provoqua une cassure, Blue Train reste fidèle au style hard bop.

Giant Steps

John (1926-1967) Coltrane — 33t

Les étapes géantes de Monsieur Coltrane.

Avec Giant Steps, John Coltrane pousse et use l'utilisation des grilles d'accords, celles-là même qu'il répétait à l'infini, dont il s'imprégnait pour découvrir leur extrême limite. Son passage, en 1957, chez Monk lui a permis d'atteindre une grande liberté : on sait que, lors des concerts, Monk abandonnait de façon impromptu son trio et allait déambuler sur scène en esquissant quelques pas de danse. Coltrane en profitait pour sortir des solos qui dépassaient parfois les vingt minutes : sa maîtrise des grilles atteignait ainsi les sommets.

Le disque est en quelque sorte la dernière étape d'une approche totalisante (avec "Coltrane's Sound" et "Coltrane Jazz", enregistrés dans la foulée). Giant Steps marque également une évolution, un moment charnière, s'il en est, dans le son de celui que les critiques surnomment "le jeune homme en colère". Il expérimentait déjà à cette époque des anches plus dures pour monter en puissance et travaillait ardemment sur la colonne d'air, ce qui lui permettait de souffler de façon quasi permanente. Giant Steps marque donc en même temps l'achèvement d'une période de l'histoire musicale de John. Point à la fois culminant et re-départ vers d'autres horizons.

  • 1
  • 2
Joomla SEF URLs by Artio

Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur © 2015 - 2024 Robert Bitoun

website Montpellier